La question de l’homosexualité reste encore un tabou dans plusieurs pays africains, notamment en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal, allant souvent jusqu’au déni du fait homosexuel. Les opinions publiques considèrent l’homosexualité comme un choix volontaire qui reflète une perversion sexuelle et qui est motivée par des calculs économiques. Cette homophobie davantage croissante et largement partagée justifie les violences multiples dont sont victimes les personnes LGBTI : arrestations arbitraires par les forces de l’ordre, exclusions scolaires, refus de soins, expulsion de domicile, licenciements abusifs etc. Les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les organisations de la société civile de promotion et de protection de droits de l’homme restent silencieuses face à tels abus, légitimant ainsi les outrances que vivent les membres de la communauté LGBTI. Si en Côte d’Ivoire la pénalisation de l’homosexualité reste implicite dans le Code Pénal, au Cameroun et au Sénégal par contre, le Code pénal sanctionne le délit d’homosexualité par une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement ferme.
Au Cameroun, 35 personnes ont été arrêtées en 2017 pour homosexualité. Un jeune garçon de 24 ans risque depuis 2016 jusqu’à 5 ans de prisons ferme pour avoir échangé des messages avec un autre homme à travers son téléphone portable.
Au Sénégal, jusqu’à15 personnes ont été jugées et condamnées pour homosexualité. En 2015 seulement, 27 personnes ont été victimes de violences physiques et verbales, et 14 autres personnes se sont vu refuser les soins dans les centres de prise en charge des personnes vivant avec le VIH.
En Côte d’Ivoire, où le climat semblait paisible pour les homosexuels, le tribunal de première instance de Sassandra a prononcé pour la première fois en novembre 2016, une condamnation pénale de deux jeunes pour homosexualité.
Devant cette montée croissante de l’homophobie, les médias constituent un facteur amplificateur. Le sujet n’est pas toujours posé sous l’angle de l’explication, voire de la clarification. Le débat a du mal à se poser en dehors des passions. Les expressions et les mots employés par les journalistes traduisent les condamnations, l’exclusion, voire les appels à la violence et à l’éradication sociale qui nourrissent les sentiments collectifs manifestés par les populations. C’est le procès des LGBTI qui est ainsi instruit, sans que ni eux, ni ceux qui défendent leurs droits, aient la possibilité de se défendre. Malheureusement, ceux-ci ne disposent pas de capacités techniques et d’outils de communication nécessaires qui leur permettent de créer et diffuser des contenus multimédias pertinents et de bonne qualité, pour riposter ou apporter une réponse efficace aux offenses véhiculés par des journalistes.
C’est pourquoi l’IPAO a développé, en collaboration avec certains partenaires locaux engagés faveur des droits des LGBTI, un projet qui permettra de faire reculer « les discours de la haine », les préjugés dans lesquels s’enracinent l’homophobie, afin d’améliorer la tolérance à l’égard des homosexuels et la reconnaissance de leurs droits en tant que personnes humaines.
Le projet intitulé « Des voix et des voies contre l’homophobie » est un projet financé par l’Union Européenne, sur une période de 3 ans (2015-2017). Il est mis en œuvre au Sénégal, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, en partenariat avec des organisations locales de défense des droits de l’homme telles REPMASCI ; ADHEFO ; ACI-Baobab ; Alternative Côte d’Ivoire ; Alternatives Cameroun, afin d’ « accroitre la pertinence, l’efficacité et l’influence de l’information et de la communication des défenseurs des droits des homosexuels dans la promotion de ces droits et dans le recul des préjugés à leur encontre ».
Objectifs :
- Renforcer les capacités des organisations de défense des droits de l’homme à communiquer : en leur sein, entre elles, et avec les autres communautés
- Assurer la diffusion multimédia de contenus éthiques et documentés propres à ébranler les préjugés contre les homosexuels.
- Sensibiliser les journalistes à une perception dépassionnée et pour une couverture médiatique plus éthique et professionnelle de l’homosexualité.